La gauche européenne remet la question d’un « New Deal » sur la table

Maria João Rodgrigues [Georgi Gotev]

Le groupe des socialistes et démocrates juge les 315 milliards du plan Junker insuffisants et défend un  véritable « New Deal » de  1000 milliards d’euros, à quelques jours du sommet des 18 et 19 décembre qui doit se pencher la question.

L’« Examen annuel indépendant de la croissance » (EAiC) pour 2015 a été présenté au Parlement européen par l’eurodéputée S&D Maria João Rodrigues et plusieurs de ses auteurs le 11 décembre. Parmi ceux-ci se trouvait Xavier Timbeau, directeur du département analyse de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce document a clairement été rédigé en réaction au plan d’investissement de 315 milliards d’euros présenté par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.

>> Lire : La Commission dévoile son plan d’investissement de 315 milliards d’euros

La règle selon laquelle le déficit public ne doit pas excéder 3 % du PIB n’a aucun fondement théorique ou empirique, estiment les auteurs de l’analyse. Les auteurs de l’analyse expliquent  par ailleurs qu’il faudrait fournir davantage d’efforts pour dynamiser l’investissement privé et public, en réponse au plan d’investissement de Jean-Claude Juncker.

Selon eux, ce plan d’investissement, qui avait pourtant été appuyé par le groupe S&D, ne fonctionnera probablement pas, parce que sa base de capital ne suffira pas à lever assez d’argent que pour financer les projets proposés.

>> Lire : Le plan Juncker, un projet a minima pour mettre tout le monde d’accord

Maria João Rodrigues, vice-présidente du groupe S&D, souligne que cette analyse révèle une disparité croissante entre États membres. Les inégalités sociales au sein de chaque pays européen augmentent également.

L’Europe a besoin d’un nouveau « New Deal », estime-t-elle, faisant référence au programme lancé par le gouvernement américain dans les années 1930 pour sortir le pays de la Grande Dépression. Ce « New Deal » européen devrait intégrer les éléments suivants :

  • une hausse de la croissance, grâce aux investissements ;
  • une réponse à la demande élaborée grâce à une coordination économique qui puisse réduire les inégalités, l’eurodéputée précise ici que les pays ayant une marge de manœuvre plus confortable devraient augmenter les salaires ;
  • une discussion sur les réformes structurelles : selon Maria João Rodrigues, la priorité doit être donnée aux réformes visant à l’augmentation du potentiel de la croissance et du revenu des pouvoirs publics, et non à celles qui se concentrent sur la réduction du déficit public ;
  • une politique fiscale capable de combattre efficacement l’évasion fiscale ; et, enfin,
  • une Banque centrale européenne ayant un rôle plus actif.

L’eurodéputée admet toutefois que la proposition avancée par sa famille politique ne fait pas encore consensus. 

Elle qualifie le plan Juncker de premier « pas dans la bonne direction », mais a ajouté qu’il serait insuffisant, puisque le montant d’investissement nécessaire à ce jour est de 1 000 milliards d’euros, soit plus du triple de ce que propose le président de la Commission.

L’investissement public est essentiel à la création d’un effet de levier, explique-t-elle, et les socialistes européens souhaitent compléter le plan d’investissement de contributions des États membres. Le fonds d’investissement pourrait alors emprunter sur les marchés et prêter de l’argent à grande échelle, ce qui engendrerait une importante relance de l’investissement en général, selon l’eurodéputée.

Intégration européenne

Maria João Rodrigues estime que ce fonds devrait bénéficier du principe de neutralité, ce qui signifie que les contributions nationales ne seraient pas déduites du déficit des États et seraient comptabilisées comme dépenses, mais qu’elles n’engendreraient jamais de sanctions sous le pacte de stabilité et de croissance. 

« Si nous concrétisons ces propositions, nous entrerons dans nous nouvelle phase d’intégration européenne de fait, car cela signifierait reconnaître que la résolution de nos problèmes d’ordre national passe par la mise en place d’instruments européens et la construction une capacité d’investissement commune » assure-t-elle.

L’eurodéputée estime aussi que la stratégie Europe 2020 devait être revue à la hausse et basée sur un développement durable. Cela devrait inclure la transition énergétique, l’inclusion sociale et le passage au numérique.

Transformer la dette nationale en dette européenne

Xavier Timbeau a ensuite pris la parole devant le Parlement pour expliquer comment les auteurs de l’Examen annuel de la croissance souhaitent relancer l’investissement en transformant la dette nationale en dette européenne, une stratégie qui permettrait selon lui de neutraliser la règle du déficit budgétaire.

EURACTIV a demandé à Maria João Rodrigues en quoi sa proposition différait des propositions concernant l’émission d’euro-obligations, auxquelles certains États, et particulièrement l’Allemagne, s’étaient catégoriquement opposés. L’eurodéputée a fait remarquer qu’il ne s’agissait pas ici de réduire la dette nationale, mais de financer l’investissement stratégique.

Ces mesures permettraient, selon elle, d’enclencher un puissant « mécanisme de multiplication » des capacités des États membres. Contrairement au Mécanisme européen de stabilité, un outil intergouvernemental, le fonds proposé aujourd’hui serait un instrument européen, dont la Commission serait membre, sous l’égide du Parlement européen, qui serait codécideur.

Ce fonds pourrait trouver un soutien financier à des projets stratégiques, mais peu rentables.

Quant à l’ampleur du fonds, Xavier Timbeau a expliqué que, pour sortir du piège déflationniste, l’économie de la zone euro devrait gagner 1 à 2 % de PIB et que l’investissement devrait s’élever à entre 2 et 4 % du PIB. 1 % du PIB de la zone euro représente 100 milliards d’euros.

  • 18-19 décembre : Sommet européen, les dirigeants discuteront du plan d'investissement proposé par Jean-Claude Juncker.

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